ENROSADO, un Vin Méthode Nature, orange et séduisant

Si vous avez un ouvre-bouteille à la maison, j’imagine que vous en avez entendu parler. Le vin orange, ou blanc de macération, fait tourner les têtes et les limonadiers du Québec. La cuvée ENROSADO, du domaine espagnol Altolandon, incarne une expression accessible et abordable de ce type de vin. Vous avez remarqué le logo du label Vin Méthode Nature sur la bouteille? Beaucoup de belles choses à explorer…

Qu’est-ce que le vin orange? Une histoire tout en couleur

Le débat fait rage autour de cette nouveauté, est-ce seulement une mode passagère ou la base de la vinification? Tout d’abord, dans les grandes lignes, un vin orange est élaboré avec des raisins blancs, mais au lieu de seulement faire fermenter le jus, on fait macérer les pellicules des cépages blancs. Pour les vins rouges, la matière colorante s’appelle anthocyane alors que pour les blancs, ce sont les flavones qui jouent ce rôle. Celles-ci se retrouvent principalement dans la peau des raisins, ce qui explique la couleur plus marquée des vins dits oranges.

Cette désignation – vin orange – est jeune. Elle daterait de 2004 et serait attribuable à un importateur de vins britannique, David Harvey. La technique, par ailleurs, est bien antérieure. Selon des fouilles archéologiques effectuées en Géorgie, dans la région du Caucase, le vin ambré, un blanc fermenté dans des amphores enfouies dans le sol, daterait d’aussi loin que 6 000 ans avant notre ère! Cette méthode de vinification est considérée fondatrice et elle est d’ailleurs inscrite depuis 2013 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Alors oui, il est possible d’être choqué par l’effet « à la mode » du vin orange, mais l’idée derrière ne date pas d’hier.

Une charte pour les vins natures

Par définition, l’agriculture conventionnelle vise l’efficacité et la rentabilité économique en misant sur des monocultures et en favorisant les avancées de la technologie. L’agriculture intensive représente la manifestation extrême de cette conception, recherchant coûte que coûte la productivité, ne prenant pas en considération les conséquences environnementales de la surutilisation de la chimie moderne. Ces concepts sont évidemment applicables au domaine du vin. De l’autre côté du spectre se trouve la tendance des vins natures. Je vous en ai parlé dans un autre blogue « Découvrir le vin nature », et on comprend que l’idée est de faire pousser des raisins sains et d’élaborer des vins sans intrants chimiques.

Une des grandes critiques face aux vins natures, c’est qu’il n’y a pas de réglementation qui encadre les pratiques, comme pour le biologique ou la biodynamie. Le vin nature, ou naturel, est issu d’une philosophie, se rapproche d’une production artisanale et implique un aspect communautaire. Le concept législatif et le fait d’avoir à payer pour obtenir des certifications ne collent pas vraiment à l’esprit nature. Cependant, beaucoup d’efforts sont déployés dans cette direction.

Le Syndicat de défense des vins naturels existe depuis 2019 et tente de regrouper les vignerons et vigneronnes se réclamant de cette idéologie. Il propose une charte à suivre basée sur l’honneur, et les adhérents.es peuvent identifier leurs cuvées natures avec le logo que l’on retrouve sur notre Enrosado!

Manchuela, altitude et attitude nature

L’appellation Manchuela a fait partie de la DO La Mancha jusqu’en 2004. Elle est encore méconnue, mais sa situation en haute altitude lui permet de produire des vins avec beaucoup d’équilibre. Présentement, on retrouve 12 vins issus de cette appellation à la SAQ, et on remarque la tendance bio et « nature » des maisons de cette région.

Leur cuvée Enrosado, composée à 100% de grenache gris, est un vin orange dont les peaux ont macéré brièvement, ce qui en fait une très bonne entrée en matière pour les novices. La couleur orangée est pâle, légèrement ambrée, et peut faire penser à du jus de clémentine. Le nez est expressif et charmeur. On a des impressions de nectarine et un peu de pamplemousse. Quand on fait tournoyer le vin pour l’aérer, des notes plus originales se développent. Je dirais courge butternut avec une touche iodée! La bouche est vive et on y distingue une discrète trame tannique, l’intérieur de la bouche se contracte à peine. En finale, une fine salinité se fait ressentir à travers une texture assez grasse et élégante. Saumon grillé, filet de porc sauce aux fruits, lasagne végétarienne; les choix d’accords sont très diversifiés. Très belle découverte.

Attention, vin pétillant naturel!

Il y a quelques années, j’avais croisé une dame à la SAQ qui demandait s’il restait du Tète Nat’ sur les tablettes. « C’est simple, s’il vous en reste, je prends tout! ». Cet engouement semble s’être prolongé pour ce vin pétillant naturel qui fait tourner les têtes et sourire les regards.

Quatre amis qui veulent du vin de plaisir

Selon l’histoire, ce vin effervescent est le fruit d’un projet de quatre amis voulant créer des vins de plaisir à partager en bonne compagnie. Ils sont installés en Loire, plus précisément en Touraine, à Panzoult. Ce petit village, datant du XIIe siècle, se trouve sur l’aire d’appellation du Chinon, vin rouge gourmand fait à partir de cabernet-franc. Cependant, les quatre lurons ont décidé de laisser aller leur créativité et de produire des vins hors-normes, des vins natures que l’on veut propres et vrais.

Il faut ici mentionner que le quatuor n’est pas composé de novices de la vigne. Par exemple, Nicolas Grosbois trempe dans le monde vitivinicole depuis longtemps. Après avoir parcouru la planète comme « vinificateur volant » (traduction libre de flying winemaker), il reprend en 2008 les rênes du domaine familial Grosbois, aussi en Loire.

En 2012, il s’associe avec Philippe Mesnier, un autre des quatre compagnons, pour diriger le Domaine des Hauts Baigneux sur l’AOC Touraine Azay-le-Rideau. On ne parle donc pas d’improvisation…

On fait des bulles selon la méthode ancestrale

Vous l’aurez peut-être deviné, le Tète Nat’ est un pet nat! Ces vins pétillants naturels sont depuis quelques temps bien à la mode, mais gardons en tête qu’ils sont issus de la plus vieille technique de production de vins effervescents : la méthode ancestrale.

Les différents crémants, les Champagne et les Cava, pour ne nommer que ceux-ci, sont tous élaborés selon la méthode traditionnelle. En simplifiant (beaucoup!), on fait d’abord du vin et on y ajoute ensuite un mélange de sucre et de levures pour qu’il y ait une seconde fermentation en bouteille.

Pour la méthode ancestrale, c’est comme si on ralentissait la première fermentation par le froid (les levures n’aiment pas manger du sucre quand il fait frette!) et qu’on en profitait pour embouteiller le liquide. On capsule le tout (oui, oui, avec un bouchon de bière) puis en se réchauffant, les levures reprennent leur travail, ce qui crée du gaz carbonique qui reste emprisonné dans la bouteille, jusqu’au moment où vous décidez de vous gâter un peu.

Fine amertume sans regret pour ce vin apéritif

Retour à notre fameux Tète Nat’, Les Parcelles. Les quatre copains ont choisi d’utiliser des cépages originaires du Sud-Ouest de la France, soit le mauzac, le len de l’el et le sémillon. C’est pourquoi le produit est commercialisé en Vin de France – les raisins sélectionnés ne correspondent pas au cahier de charge de l’aire d’appellation et de toute façon, il n’y a pas d’AOC de la région qui fait des pétillants naturels… Les règles ne sont donc pas respectées, mais le produit est plus que respectable.

La robe est pâle, presque incolore. Le nez est d’abord discret, avec des effluves de fruits jaunes, puis des notes iodées font leur apparition. En bouche, les petites bulles donnent un effet crémeux et rafraîchissant. La texture est assez grasse et on perçoit une petite amertume en finale, très agréable. Beaucoup de persistance gustative et de délicats arômes lactiques viennent couronner le tout.

C’est un vin d’apéro parfait. Si la faim vous prend, n’écrasez pas sa subtilité avec des aliments trop savoureux. On pourrait opter pour des poissons blancs et je serais bien curieux de l’apprécier avec des pétoncles. Merci les amis!

LE vin rosé biologique italien des Pouilles

Vous avez en tête la forme de l’Italie? Vous remarquerez qu’elle ressemble étrangement à une botte. Et bien je vous présente un vin rosé biologique qui provient du talon de la botte!

Primitivo et/ou zinfandel

Cette région méditerranéenne s’appelle Les Pouilles, ou Puglia en italien. Elle est reconnue pour fournir plus de 40% de la production d’huile d’olive du pays. On y cultive aussi énormément de vignes! Les cépages sangiovese, negroamaro et trebbiano y sont très répandus, sans oublier le primitivo, dont est constitué à 100% notre nectar d’aujourd’hui.

Le primitivo est souvent associé à des vins rouges costauds et concentrés aux arômes de fruits cuits et de tabac. Même son de cloche du côté de son avatar californien, le zinfandel, qui se distingue particulièrement dans la région de Sonoma. Sa version rosée des Pouilles est tout aussi intéressante, mais assurément moins imposante.

Voir la vie en vin rosé

Difficile de parler de rosés sans s’attarder aux différentes nuances de couleur de ces vins. On tente de nommer précisément chaque gradation de leur robe et il ne semble pas y avoir consensus à ce sujet. Pour s’y retrouver, on peut se rappeler que les teintes les moins intenses – gris, rose pâle, corail, saumon, pêche – sont GÉNÉRALEMENT issus de rosés de pressurage.

Dans ce cas, on récolte souvent les raisins très tôt le matin ou pendant la nuit pour préserver la fraîcheur des baies. Elles sont ensuite pressées pour en faire sortir le liquide. C’est pendant cette étape que le jus prend sa coloration, car on utilise des raisins noirs (à la peau rouge) dont la pulpe est blanche, d’où le liquide clair. Celui-ci est ensuite mis en cuve pour la fermentation. Cette technique s’apparente énormément à la vinification des vins blancs.

Une autre méthode, plus proche de la vinification en rouge, consiste à fouler le raisin pour en déchirer la pellicule, puis de faire tremper le tout dans une cuve pour que la couleur soit plus intense. C’est ce qu’on appelle la macération pelliculaire. On coule ensuite une partie du liquide coloré pour le faire fermenter dans des conditions contrôlées. Il s’agit alors d’un rosé de saignée (parce que « saigner une cuve », c’est la vider…).

Côté palette, on parle PLUS SOUVENT d’une robe rose vif, mandarine, framboise ou cerise. Il ne faut cependant jamais oublier que l’univers du vin en est un fait d’exceptions, alors difficile d’ériger des règles précises pour distinguer les deux types de vinification en rosé.

Et notre rosé bio italien?

La cuvée Maioliche du domaine Tenuta Viglione nous propose un primitivo rosé parfait pour la période estivale. D’une robe rose pâle tirant vers le corail, ce vin au nez expressif rappelle la fraise, la pêche et on peut aussi y discerner des notes florales. Très charmeur. La bouche est ronde et on y retrouve des fruits à chair jaune. Belle élégance en finale avec un effet tonique qui garde la bouche en émoi. Au moment d’écrire ces lignes, la SAQ propose 254 vins rosés, dont 30 italiens, et seulement UN provenant de la région des Pouilles. Très fier représentant s’il en est un!

Vin rose Rosato

Le cépage nebbiolo s’installe à Dogliani, histoire de vin dans le Langhe

Vous connaissez probablement déjà le nebbiolo, cépage emblématique du Piémont et du Langhe qui est à la base de l’élaboration des incontournables Barolo, Barbaresco, Gattinara et Ghemme. À l’instar du pinot noir, ce fruit est capricieux, avide de soleil, et demande beaucoup d’attention tout au long de son développement. Son terroir de prédilection se situe sur les collines, à mi-pente (entre 250 et 450 mètres d’altitude pour être plus précis!), dans les environs de la ville d’Alba.

Mais à moins de dix minutes de voiture de là s’est dessinée une histoire d’amour et de vin.

Cascina Corte : Dire oui aux vins de Dogliani

Dans la région vallonée de San Luigi, tout près de la ville de Dogliani, Sandro Barosi et Amalia Battaglia ont trouvé l’endroit rêvé pour leur nouvelle vie. En 2001, voulant s’investir pleinement dans un vaste projet de retour à la terre, le couple a choisi cette maison alors inhabitée depuis plus de 30 ans. Entourée de vignes, de champs et de forêts, sans bâtiments modernes à l’horizon, cette habitation apparaissait déjà sur une carte ancienne de la région datant du 18e siècle; elle était identifiée comme la Cascina Corte.

Selon des voisins agriculteurs de générations en générations, le vignoble principal du terrain a été planté juste après la Deuxième Guerre mondiale. Le cépage dolcetto est particulièrement bien adapté à ce coin de pays. À noter, étymologiquement, le « dolce » ne fait pas référence à un caractère doux et sucré du raisin, mais plutôt à la faible acidité de ses vins. Les vignes y étaient à l’abandon, mais le couple Barosi-Battaglia a travaillé d’arrache-pied pour leur redonner vie. Entre 2002 et 2008, ils ont aussi réussi à construire une nouvelle cave sous une colline adjacente à la maison (!) et à rénover la bâtisse principale qui avait grandement besoin d’amour. En plus, ils ont planté de nouvelles vignes de barbera et de nebbiolo sur des parcelles très bien exposées. Quand la passion guide nos actions…

Le caractère d’un nebbiolo du Langhe

Alors, revenons à ce vin biologique piémontais. Il est vrai que le nebbiolo cultivé dans les grands DOCG, précédemment mentionné, a habituellement une jeunesse plutôt austère. Ils doivent vieillir dans des conditions optimales pendant de longues périodes pour s’ouvrir complètement et offrir toutes leurs beautés. Les appellations un peu moins prestigieuses de la région piémontaise proposent souvent des vins à l‘évolution plus rapide, à la personnalité plus charmeuse.

Dans le cas qui nous concerne, on se trouve à mi-chemin entre les deux profils. À l’œil, la robe rubis profonde se marque d’une teinte grenat. On pourrait supposer un début d’évolution, mais on sait aussi que la couleur du nebbiolo arbore naturellement ces notes plus orangées. Le premier nez est ouvert, on y décèle des notes animales, sanguines. Avec l’aération, le vin devient encore plus expressif et un aspect floral qui rappelle la violette et les épices se développe. Dès la première gorgée, on ressent la trame tannique qui est serrée sans être trop agressive. Les tanins sont fermes, le vin est droit. Ce Langhe fait de nebbiolo n’est pas aussi robuste que ses grands frères de la région, mais sa structure puissante lui assurera une belle vie. Sortez vos viandes rouges grillées pour le célébrer en grande pompe.

Découvrir le vin nature

C’est un constat, une nécessité, quand ton métier est orienté autour de la dégustation.

Que ce soit pour les gens qui travaillent en cuisine, ou pour ceux qui sont passionnés par le thé, le café, le chocolat ou la bière, il est primordial de développer son palais et de toujours demeurer ouvert aux changements.

Mise en contexte

On est en au milieu des années 2000, je travaille comme sommelier et il y a un mouvement qui s’accélère dans le milieu de la restauration à Montréal. Il est de plus en plus question de vins natures, sans intrants chimiques, des vins qu’on dit « propres » et « vrais ». Je ne suis probablement pas le seul, mais je peux remercier Marcel Lapierre avec ses vins du Beaujolais pour m’avoir initié à ce type de produits. Avant toute chose, c’est la découverte de nouveaux arômes qui m’a frappé. Ma curiosité a été piquée au vif et j’ai eu le goût d’approfondir le sujet, de gratter la surface pour comprendre ce que j’avais devant moi. Pour la suite, je peux presque parler d’une révélation. J’avais d’abord senti la nouveauté, mais cet éveil par les sens m’a mené beaucoup plus loin.

Il y a derrière les vins natures une vision globale à long terme qui m’interpelle. L’idée est de réussir à élaborer un produit sain, pour le bien-être du consommateur et de son environnement. Définir ce type de vin peut sembler compliqué, mais en fait, le vin nature, c’est ce que devrait être le vin : « la boisson résultant de la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais ». On parle ici d’agriculture, on parle de faire pousser un fruit sans avoir recours à aucun intrant, à aucun élément qui n’est pas naturellement présent dans le sol. Il s’agit là d’une certaine évidence, mais les avancées scientifiques et technologiques sont venues complexifier à souhait un processus relativement simple.

Mais attention!

Faire du vin nature, ce n’est pas un raccourci et ce n’est pas de tout repos. Les vignerons et vigneronnes qui adoptent cette lignée doivent chouchouter leurs vignes et leurs sols pour arriver à obtenir les baies les plus optimales pour la transformation en vin. Travailler « en nature », c’est un mode de vie, une vocation qui implique une compréhension de l’environnement et une attention à tous les détails. La vinification implique un contrôle scrupuleux de l’hygiène du chai pour s’assurer d’obtenir un produit le plus sain possible.

Délicieuse philosophie

Mais on a beau essayé de comprendre tout ce qui se passe dans ce mode de production, c’est le contact direct avec les artistes de la vigne qui nous permet de saisir la grandeur du projet. Je me sens privilégié, en tant que sommelier, de pouvoir faire découvrir cet univers à mes clients et clientes. Il y a des gens qui ont des réticences et je peux les comprendre. Ça me donne encore plus de motivation pour propager la bonne nouvelle et initier de nouvelles personnes à cette passion, à cette délicieuse philosophie.

J’ai hâte de vous en parler davantage! Il faudrait peut-être se rencontrer…